Avec les années j'ai compris. Sauf que je m'y habitue pas.
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Quand ma mère va pas bien, elle saute un plomb. Elle fait des reproches, elle est méchante. Le jour ou on comprend que souvent c'est sans lien aucun avec sois-même, on apprend à mieux dealer avec. Sauf que ça fait de la peine pareil.
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En fin de semaine j'ai reçu un e-mail de ma mère. He oui, ma mère s'est mise au joies de l'internet. Don't worry, elle ne lit pas le blogue et je fais chaque soir une prière silencieuse qu'elle ne tombe jamais sur ça.
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Toujours est-il que j'ai eu un beau e-mail de ma maman. Le pire char de marde que j'ai eu depuis mes 16 ans je crois.
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Du "Tu appelles jamais" au "Tu profites de nous" en passant par le très classique " J'me demande ce que j'ai fait pour que toi pis ton frère vous soyez de même", j'ai eu le droit à toute la gamme des reproches, accusations injustes et insultes gratuites.
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J'étais fâché. Très fâché. Quand tu prends plusieurs années avant de surmonter ta peur de dire à tes parents quand tu as besoin d'aide, te faire dire que t'appelles juste quand tu as besoin d'eux, ça fait mal.
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Te faire dire que tu t'occupes plus de tes amis, ces étrangers, ça passe croche dans la gorge. Ces étrangers qui ont pris soin de moi lorsqu'eux, mes parents, n'ont pas eu le temps d'être là pour moi. Ces étrangers qui ont aidé à bâtir l'homme meilleur que je suis devenu. Ces étrangers qui m'ont aidés à comprendre et à aimer mes parents avec leurs lacunes et leurs défauts. Ces étrangers pour eux qui sont comme ma famille pour moi. C'est frapper ceux qui font que j'aime mes parents.
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Après j'ai eu de la peine. De la peine de croire que peut-être ma mère pensait vraiment tout ce qu'elle avait écrit.
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De la peine de voir que malgré tout j'ai pas pu m'empêcher de me demander si toutes ces reproches étaient fondées. De la peine de douter de moi encore une fois. D'être encore un enfant devant ma mère, cette figure d'autorité qui n'a plus sa raison d'être.
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J'ai appelé ma mère aujourd'hui. J'ai su pourquoi toutes ces insultes.
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Mon petit frère a quitté son emploi. Mon petit frère est retourné chez mon père. Mon petit frère à entrepris une cure de désintoxication.
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Ma mère pleure. Ma mère décompense en se vengeant sur son autre fils. Ma mère évite de frapper le fils qui est a terre en frappant l'autre qui tient debout.
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Ma mère est inquiète. Ma mère ne comprend pas.
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Elle est incapable de dire qu'elle s'ennuie. Elle est incapable de dire qu'elle a peur. Elle est incapable de dire qu'elle a besoin d'aide. Elle est incapable de dire qu'elle ne comprend pas.
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Elle est fâchée contre elle. Elle est fâchée contre mon frère. Elle est fâchée contre mon père. Elle est fâchée contre la vie. Ma mère est une femme amère.
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Elle exprime sa colère ou elle croit ne pas faire de mal. Là ou ça va bien. Chez moi.
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Elle est triste que mon frère soit entré en désintox. Je suis fier que mon frère se soit pris en main.
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Alors qu'elle a de la peine de le voir enfoncé si creux, rongé par les cernes et la dope, plus maigre que je suis mince, je suis fier de mon frère qui a eu le courage de dire "C'est assez".
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Qu'il ai eu le courage de dire à ces parents que nous avons tous deux tellement peur de décevoir qu'il avait besoin d'eux. Qu'il n'était plus capable. Qu'ils avaient échoué à faire de lui un homme dont ils seraient fier.
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Qu'il ai eu le courage de leur dire "Voilà, je suis la déception de votre vie que vous me reprochez silencieusement depuis des années d'être. Vous aviez raison, je ne suis pas un homme. Je suis un enfant de la drogue et de l'alcool et à 20 ans je suis incapable de vivre sans vous."
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"Vous m'avez tellement prouvé que j'en étais incapable que je m'en remet à vous. Maman, papa, je m'appelle Benoit, j'ai 20 ans, je suis un alcoolique et un drogué."
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"Maman, Papa, je ne m'aime pas. Prenez soin de moi. Aimez moi à ma place car je ne sais pas comment faire"
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"Maman, Papa, vous aviez raison."
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Papa se terre dans le silence. Il dit que mon frère ne peut pas rester à ne rien faire chez lui. Qu'il doit se trouver un emploi. Qu'il ne peut vivre à éternellement. Que pour qu'il aille mieux il faut qu'il aille une vie normale.
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Mon frère est malade mais mon père ne l'accepte pas. Mon père n'accepte pas d'avoir finalement eu raison. Papa avait raison, son plus jeune est un incapable et un lâche. Papa avait raison et maintenant son plus jeune à échoué sa carcasse sur le divan de son salon, bougeant avec peine, intoxiqué par les démons du sevrage. Papa a honte d'avoir eu raison.
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Maman ne sait pas quoi faire. Maman n'a qu'une référence, sa maman à elle. Et sa maman à elle ne lui a jamais dit quoi faire quand ton grand petit garçon de 20 ans est un alcoolique et un drogué. Quand ton grand petit garçon de 20 ans pleure parce qu'il n'a pas bu depuis 48 heures et que son corps réclame le poison avec lequel il tue son mal intérieur. Quand ton grand petit garçon de 20 ans te laisse finalement avoir raison sur le fait qu'il ne peut pas vivre sans toi.
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Maman ne sait pas quoi faire parce que les reproches et l'amertume ne sont plus des preuves d'amour envisageable et qu'avec les années elle a oublié qu'aimer son enfant c'est aussi le prendre contre son sein en lui caressant les cheveux et lui dire qu'on va toujours l'aimer.
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Maman ne sait pas quoi faire parce qu'elle n'a rien trouvée à manger dans le frigo de son grand petit garçon de 20 ans lorsqu'ils sont allés le chercher mais qu'elle a trouvée toute sa vaisselle sale dans le grand panier à linge du garde-robe de sa chambre parce qu'il l'avait caché par honte de son incapacité.
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Et moi, le Jeune Homme? J'aimerais tous les appeler pour leur dire que je les aime et que je tiens à eux.
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Mais je ne suis pas capable de dire à cette mère qui banalise ces insultes avec lesquelles elle décompense sur moi que je l'aime et qu'elle a le droit d'avoir peur. D'avoir de la peine. De ne pas savoir quoi faire.
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Mais je ne suis pas capable d'appeler ce père qui se terre dans le silence pour l'écouter respirer tout le poids de ces 47 ans de silences trop lourds qu'il ne sait pas comment exprimer.
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Parce que je ne suis pas capable d'écouter ce grand petit garçon de 20 ans me dire que tout ira bien parce qu'il cesse de prendre cet alcool et cette herbe qui empoisonnent son cerveau alors que je sais que la poudre d'étoile qui remontent par ses sinus est un démon qu'il ne vaincra pas avant d'avoir simplement déçu ses parents une fois de plus en terminant la dernière ligne de cet aveux qu'il sniffe trop souvent par le point d'une franchise qu'il a encore trop peur d'avoir.
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Cette damnée poudre d'étoile qui lui donne l'once de courage qu'il faudrait qu'il perde pour finalement dire à ses parents "Maman, Papa, regardez l'homme que vous n'avez pas aidé à construire et constatez l'étendu de l'échec qu'ensemble vous avez bâti".