Bon, je garde l'histoire dans mes tiroirs depuis déjà longtemps. Plusieurs fois je me suis retrouvé ici, sur mon blog, prêt à écrire, et l'idée m'a traversée l'esprit. À chaque fois l'envie m'a quittée avant que les premiers mots ne se forment sous mes doigts. C'était pas le temps peut-être. Où alors j'avais peur de pas trouver les mots. Raconter l'amour de façon convaincante est jamais facile vous savez. C'est un exercice difficile et souvent frustrant, dans l'optique ou les lettres alignées sur votre écran ne forment pas un message assez puissant, assez clair, assez précis pour transmettre le sentiment que vous tentez de partager.
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mais là, cet après-midi, dans la chaleur et l'humidité de ce début d'été, j'ai le goût de boucler la boucle et de vous sortir la dernière des histoire d'amour qu'il me reste dans le placard. La plus courte, en quelque sorte. La plus intense et vivante, d'un autre côté. Les Back to Love vont donc ce conclure cet après-midi, avec le dernier de ces retours en arrière.
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FLASH BACK
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Le Jeune Homme à 17 ans. Il ne sort que depuis très peu de temps dans les bar gay, son horaire conjugué de travail et d'études ne lui laissant que peu de samedi soirs. Nous sommes à la fin octobre, par un week end exceptionnellement chaud. Comme aujourd'hui.
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Le Jeune Homme est avec quelques amis et ils marchent vers la Station, le bar gay de Trois-Rivières à l'époque. Le ciel sans nuage nous laissé découvrir toute son immensité et un vent chaud et frais à la fois joue dans nos costumes. C'est l'halloween. C'est mon premier vrai party à la Station. Ces soirées spéciales à thématique qui sont déjà très populaires.
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Le Jeune Homme sait qu'il va s'amuser toute la nuit. Il a fait attention au cours des deux dernières semaines et il a la somme faramineuse de 40 $ en poche. Assez pour se saouler à mort et aller manger au Mike's après. Il est déjà content, il n'aura pas à payer son entrée, puisqu'il s'est inscrit sur le net au cours de la semaine précédente.
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Ici une parenthèse s'impose. Pour ceux qui font du net depuis quelques années, vous devez avoir connu l'époque de gloire de Mirc. Il y a quelques années une drôle de mode est parti, les GT (Get together). Ces rencontres d'internautes étaient très courues et le bar avait voulu tabler sur cette nouvelle mode en organisant un GT tous les dernier samedi du mois pour les usagers du canal #Gay3Riv. La tradition à survécue aux années, même après la mort du canal, les derniers samedi du mois étant devenus les party thématique du bar. Mais à l'époque ou se passe ma petite histoire, le net et ces soirées étaient encore liées. Si vous étiez inscrits sur le canal pour la soirée, vous n'aviez pas de cover charge et on vous donnait un très ridicule name tag avec votre nick dessus. On finissait toujours par se le coller sur une fesse anyways. Fin de la parenthèse.
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Vers les 22h00, nous sommes sur place. Les trois étages sont bondés de gens déguisés et sur le bord de l'hystérie. Tout le monde boit plus que de raison, flirte, danse, parle, rencontre des gens. Le gérant vient de fermer la climatisation pour 10-15 minutes, question de faire monter la température et l'ambiance. Quelques mix de tounes qui donnent envie de baiser complète le tableau de ce plan fort bien rodé.
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Le Jeune Homme n'échappe pas au mood de la place. Déjà bien parti pour sortir à quatre pattes, un léger film de sueur couvre sa peau juvénile que plusieurs frôlent ou touchent. Dans un tourbillon de corps et de son, il se retrouve devant un inconnu. Le plus bel inconnu du monde.
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De la même grandeur que le Jeune Homme, le petit blondinet aux yeux plus verts que les plaines d'Irlande s'approche inexorablement. Ses yeux rient, son corps parle, il invite, il réclame.
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Ce ne fut même pas la question d'une seconde. Le monde les avaient poussés l'un contre l'autre. Sur le beat du bar, dans la chaleur, la sueur et l'alcool leurs corps s'embrassaient. Leur peau se hérissait de frissons, comme si chaque pore avait voulu s'approcher un peu plus de la peau de l'autre.
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Le moment fût bref. Où peut-être pas. Ce ne fut qu'une seconde, ou alors l'éternité. Il y a de ces moments ou le temps n'a plus sa place, ou il n'a même jamais existé.
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Et puis, il était parti. Son sourire, ses yeux de jade, sa présence sucrée. Tout s'était évanouie.
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Et le Jeune Homme aussi est retourné chez lui, peu avant le lever du soleil. Il s'est couché, fort satisfait de sa soirée, en rêvant de cet ange avec qui il avait partagé quelques instants de pure symbiose.
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Le lendemain, le Jeune Homme n'avait qu'une idée en tête. Retrouver ce qu'il considérait comme étant l'Homme avec un grand "H". Il ne connaissait que son nick, chose bien futile dans l'optique ou des gens de tous les coins de la province étaient présent au bar ce soir là. Il ne savait que cela. "IAMWHOIAM".
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Ça a pris une semaine. Il l'a retrouvé. Finalement un soir, planté sur le bout de sa chaise devant son écran, il lui parlait. Il restait à sherbrooke. Déception. Il avait déjà quelqu'un dans sa vie. Énorme déception. Mais il était gentil, et drôle. Ils ont gardés contacts.
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Du temps où les arbres perdaient leurs dernières feuilles, des pluies de novembre, des premières neiges de décembre et de la folie du nouvel an. Du froid glacial et Janvier et de celui encore pire de Février, des premières chaleurs de mars aux premiers vrai chauds rayons d'avril, Ils ont parlés ensemble presque tous les soirs sur le net. Avec le temps, malgré la distance, ils ont tissés des liens.
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L'ange était devenu le confident du Jeune Homme. Et vice-versa. Pourquoi pas ? Il était en couple, restait loin, ils ne se verraient probablement jamais. Situation parfaite pour s'ouvrir totalement, sans peur de jugement. Si ce que le Jeune Homme lui disait ne lui plaisait pas, il n'avait qu'a fermer la fenêtre, couper les ponts, et personne n'en crèverait. Tout ceci n'avait que peu d'importance. Mais.. Mais.
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Mais au début du mois de mai, quelques jours avant les 18 ans du Jeune Homme, l'Ange faisait une proposition au Jeune Homme.
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L'Ange allait au Gay Pride au début du mois d'août. Avec deux de ses amis, Charles et Mélinda. Son chum, avait qui rien n'allait plus très bien, avait décliné l'invitation. Il voulait savoir si le Jeune Homme voulait y aller avec lui.
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C'est sans réfléchir un seul instant que le Jeune Homme a accepté. Et c'est dans une sourde angoisse grandissante qu'il regarda la date approcher à grand pas.
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À Trois-Rivières comme à Sherbrooke, le niveau de stress était à son comble. Quelques mois de conversation MSN et une brève rencontre dans un bar, l'esprit embrumé par l'alcool, suffisait-il comme amorce ? Il n'était pas question ici d'amitié.
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Par un beau Vendredi après-midi de canicule, un peu comme aujourd'hui, le Jeune Homme montait dans un bus Orléans Express, avec son sac à dos, une poignée de dollars et ses tout jeunes 18 ans.
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Il allait rejoindre l'Ange, cet inconnu qui le connaissait plus que quiconque, et dont il partagerait le lit ce soir, seul dans leurs chambre d'hôtel. Pour trois jours.
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C'est mort de peur qu'il est arrivé dans la "grande ville", cherchant du regard celui qu'il n'était même pas sur de reconnaître. Évidemment, il était là.
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Toujours aussi petit, toujours aussi mince, les yeux de jade brillants de malice, les joues rouges et plein des mêmes appréhensions que le Jeune Homme. Avec ses deux amis, fort charmant, beaucoup plus volubiles que notre ange qui semblait presque avoir perdu sa voix.
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Ils sont allés, tous les quatre porter leurs trucs à l'hôtel. Le Jeune Homme et l'Ange ont découvert leur chambre. Petite, Froide plus que fraîche pour cause d'air climatisé extrême. Et ils sont vite sorti de la chambre rejoindre les autres, intimidés par cette intimité nouvelle et pesante.
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La bande est allé prendre quelques verres, noyer l'angoisse de cette rencontre tant attendu. L'Ange ne parlait presque pas, souriait un peu, le Jeune Homme voulait mourir. Il avait peur d'avoir déjà déçu, de ne pas être à la hauteur des attentes. Il avait peur d'être pris là trois jours avec ces gens qu'il ne connaissait pas.
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Le retour à l'hôtel s'est fait dans le silence, l'air lourd et humide de la métropole étouffant les sons et rendant l'atmosphère oppressante au maximum.
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Les Au Revoir se sont fait dans le couloir, entre les deux chambres, puis nos deux protagoniste se sont enfermés dans ce tombeau qu'était leur chambre, froide et neutre. Rapidement ils se sont déshabillés et couchés, chacun de leur côté du lit, lumière ouverte, la gêne ayant soigneusement tapés les draps entre leur deux corps frêles.
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D'une manière prudente et quelque peu empruntée, ils ont commencés à parler pour la première fois depuis leur arrivé plus tôt dans la soirée. Calmement, sans croiser leurs regards, ils se sont jaugés avec leurs mots et leurs propos, relaxant leurs corps et leurs esprits, tentant de s'apprivoiser pour de vrai cette fois là. Des millions de choses tournaient dans la tête du Jeune Homme, étendu entre ses draps râpeux et amidonnés d'hôtel, dans ce lit impersonnel, trop grand et trop petit à la fois.
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Qu'il était beau son Ange, même s'il n'était pas sien. Que sa voix était douce et chaude.
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Doucement, ils ont laissés tomber leurs armes. Ils ont commencés à rire, à parler plus librement. Ils se sont fait face, se sont regardés dans les yeux. La douce Jade de l'Ange contre l'obsidienne dure et chaude du Jeune Homme.
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Ils se sont endormis, la lumière ouverte, leurs corps enlacés, sans plus de contacts que nécessaire. L'Ange n'était pas célibataire.
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Ils ont passé la journée du lendemain à flâner en ville, se touchant toujours, s'accrochant, rappelant sans cesse leur présence à l'autre. La magie de la nuit ne les avaient pas quittés et ne les quitteraient plus jamais. Ils ne se connaissaient pas encore, mais ils s'aimaient déjà. L'Ange n'était pas célibataire.
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Ils ont répétés le même manège le soir venu, étendus l'un contre l'autre entre ces draps encore aussi raides et râpeux, dans cette chambre toujours aussi froide ou la simple présence de l'autre suffisait à échauffer le monde.
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Le lendemain matin l'Ange est allé prendre sa douche pendant que le Jeune Homme, paresseux de nature, restait au lit, pensif, le sourire au lèvres. Lorsque l'Ange est sorti de la salle de bain le Jeune Homme était toujours couché, les draps montés jusqu'à la taille, torse nu, les yeux heureux.
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Sur le coup du sourire de l'Ange, d'autres coups retentirent contre la porte. C'est en mini-serviette de bain que l'ange alla y répondre, certain que ses amis ne se pouvaient plus d'attendre pour aller déjeuner.
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Son chum. À la porte. Qui criait. Qui hurlait.
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Il faut dire à sa décharge que la scène portait à confusion. Et qu'en fait, même si rien ne s'était passé, son couple tirait la révérence de façon bien ignoble.
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Il a gueulé encore un bon coup, puis est parti en menaçant et en jurant. C'est fort ébranlés que les deux nouveaux amoureux sont descendus au restaurant ce matin là raconter l'épisode à l'autre moitié de la bande.
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Ébranlés mais... Soulagés. C'était fini, l'Ange était seul. l'Ange était avec, était au Jeune Homme.
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Ce soir là fut la plus belle soirée depuis la création du monde par Dieu. Chaque caresse, chaque baiser, chaque respiration fût une bénédiction.
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Je pourrais continuer ici et vous raconter comment cette histoire avec un début aussi prometteur se termina trois petits mois plus tard. Mais justement, c'est une autre histoire, et les mots ne me viennent pas cet après-midi, dans cette chaleur qui me rappelle tellement ce week-end déjà bien lointain.
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Je sais l'histoire belle, je sais l'histoire bonne. Je ne sais pas si j'ai réussi à la rendre à la hauteur de la manière donc je l'ai vécu. J'en garde encore aujourd'hui, 5 ans plus tard, de fabuleux souvenirs qui me font presque frissonner. Aucune rancoeur, aucune amertume. C'est probablement pourquoi j'arrête ici mon récit, afin de ne pas noircir la beauté du plaisir par le désespoir d'une fin qui arriva trop tôt.
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C'était mon témoignage. Voici comment j'ai aimé la première fois. Pour de vrai.
13 commentaires:
C'est tellement joli, des mots comme ça.
Ça donne envie d'aimer encore comme la première fois...
Les mots... ils peuvent tout dire, ils peuvent ne rien dire du tout. Mais tu les manie très bien, alors ils disent beaucoup.
Mais jamais autant qu'on ne le voudrait.
Ce n'est pas une question de bonne ou mauvaise histoire, c'est ton histoire, elle est comme ça... mais bon c'est clair que de se faire réveiller par le chum de celui qu'on aime, à demi-nus... ça rend une histoire meilleure ;-)
Et la fin? Veut-on la savoir? Veux-tu qu'on la sache? Le moment viendra, j'en suis sûr... il y a deux conclusions à tirer de ça:
1.- l'amour fait très mal; et
2.- nous sommes tous masochistes.
Moi M-A, j'dirais plutôt que ce genre d'histoire c'est la preuve que le jeu en vaux la chandelle ! :P
Ah ça Jeune Homme, j'en suis (plus que) certain.
J'ai réellement hâte d'aller à Québec... faut dire qu'à votre Simons y'a WAAAAAYY plus de truc qu'ici.
(Et pour te voir aussi, I guess ;-)
Un long texte, mais un récit extrêmement passionnant. J'admire encore et toujours ta plume.
Oui, ça vaut la peine d'essayer. Dommage que leur relation ait dû se terminer ainsi, mais chaque chose a lieu pour une raison.
Les GT et mIRC, je connais très bien. J'ai même déjà été op sur #gayqcfr, dans le temps... Ça ne nous rajeunit pas! Mais bon, mon premier amour n'a jamais été aussi excitant et merveilleux...
Leur.. jiji, on parle quand meme de moi, pas de gens extérieurs :P
Malgré l'émotion habituelle devant la beauté de ta plume, je ressent une pointe de jalousie parce que ma première histoire d'amour à moi elle est tellement à chier que ça vaut même pas la peine d'en parler... En tout cas, continue d'écrire des trucs comme ça, tu les écris tellement bien!
Ce qui est triste avec l'amour c'est que tu te rends compte toujours trop tard de ce que tu avais.
Merveilleuse histoire JH ! Quelle chute surréaliste ! (Le chum qui vient cogner à porte) Mais la vie fait parfois bien les choses !
Wow, je n'ai tout simplement pas d'autre mots ! Je m'éfforce de ne pas laisser échapper une larme sur ma joue.
Content de voir que vous apréciez ma façon de conter mon histoire :)
Ne t'en fais pas, Jeune Homme. Je n'ai peut-être pas explicité le fond de ma pensée. Oui, c'est peut-être un peu dommage pour eux, mais comme j'ai rajouté par après "chaque chose a lieu pour une raison", DONC c'était tant mieux pour vous 2...
*cry*
Ok je suis déja dans un drole de mood en ce moment même et la... PAF!
*clap clap*
Extraordinaire comme texte!
Merci!!!
Kiss
xxx
Quand MJ te traite de magnifique "storyteller"... il a tellement raison que je ne sais quoi dire d'autre ! Tu racontes, et on y est (presque). Parce que toutes les émotions, surtout les plus exaltantes, ne peuvent prendre corps avec des mots... mais il fait bon essayer. Ça a le mérite, entre autres, de te faire revivre les frissons ! :o)
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